Préface

Iwona. Fred. Stephanie. Alfredo. Keziban. Dariana. Quelques-uns des noms gravés dans notre mémoire.

Un policier. Un homme sans domicile fixe. Une journaliste. Un fils d’ambassadeur de dix ans. Une jeune chanteuse. Derrière les statistiques des morts sur nos routes se cachent de nombreuses vies qui ne seront plus jamais les mêmes. Chaque mort sur la route laisse sa marque et nous fait ressentir à la fois la colère, l’impuissance et la tristesse. Les survivants sont marqués à vie par des blessures.

Chaque victime suscite donc de multiples pertes.

Éviter ces pertes : tel est l’objectif de ce plan. Avoir beaucoup moins de victimes de la route dans la région de Bruxelles-Capitale, au plus vite possible. Et d’ici 2030 l’objectif est de ne plus avoir de mort ni de blessé gravesur nos routes. C’est ce qu’on appelle la «vision zéro». Des villes comme Oslo et Helsinki montrent que c’est parfaitement réalisable. Pas du jour au lendemain, pas avec une seule solution miracle, pas avec une liste de demi-mesures. Mais bien avec un ensemble cohérent de mesures efficaces, comme dans ce plan d’action.

Ce plan a vu le jour grâce à la collaboration entre de centaines de personnes et d’associations.

Le processus a pris du retard à cause de la crise covid-19, mais a néanmoins permis de réunir les idées et l’expertise de nombreux de citoyens, fonctionnaires, politiciens, membres de la société civile, juristes, policiers, ingénieurs, etc. L’ensemble de ces rencontres a alimenté ce plan. Dans toutes les propositions qui sont ressorties des échanges, un choix a été fait pour les actions qui ont le plus grand impact sur la sécurité routière à Bruxelles. Mais chaque contribution a permis de renforcer le plan. Et bien sûr, les échanges d’idées et les rencontres au sujet de la sécurité routière ne s’arrêteront pas ici.

Ce plan marque un début, un feu vert.

Il reste du chemin à accomplir. Un grand nombre de travaux sont déjà en cours : sécuriser des passages piétons, de nouveaux radars, des mailles apaisées, la ville 30, … L’essence de ce plan est qu’il définit clairement l’orientation et les priorités. Il constitue une base de collaboration et met en avant la seule ambition acceptable dans notre Région en matière de sécurité routière : zéro mort et zéro blessé grave sur nos routes.

Je remercie sincèrement tous les participants au projet. Les communes, le parquet, la police, les associations de citoyens et de la société civile, les administrations régionales. Chacun est sorti de sa zone de confort, ce qui est ynécessaire mais pas toujours facile. Je remercie également Bral, Filter Café Filtré et Heroes for Zero, les organisateurs d’une trajet parallèle : L’Autre Atelier. Ils ont enrichi les échanges en organisant des visites sur le terrain et en invitant des experts étrangers, en élargissant ainsi nos horizons. Merci pour votre engagement sans faille.

Avant tout, je suis reconnaissante aux personnes qui travaillent chez Bruxelles Mobilité, en particulier à la cellule Sécurité Routière. Elles ont coordonné l’ensemble du projet, en collaboration avec Tridée, et ont élaboré ce plan.

Tout comme les autres participants, elles continueront à veiller à la mise en œuvre et l’évaluation du plan. Pour évoluer vers une ville dans laquelle il ne subsistera que des rues sûres.

Afin que chacun puisse se déplacer sans souci. Et pour que la liste des noms des victimes ne continue pas de s’allonger. Vision zéro : zéro mort et blessé grave dans notre ville.

Elke Van den Brandt,

Ministre de la Mobilité,
des Travaux publics et de la Sécurité routière

Introduction

1. Un nouveau Plan d’actions, dans la continuité du précédent

L’objectif du Plan d’actions 2011-2020 s’inscrivait dans la démarche de la vision partagée par la Commission européenne « de maintenir l’objectif consistant à réduire
de moitié, par rapport à l’année 2010, le nombre de tués sur les routes à l’horizon 2020 dans l’Union européenne »1.
En élargissant ce concept au nombre de blessés graves, la Région s’était donc fixé comme objectif un maximum 12 décédés (30 jours) et 68 blessés graves pour l’année 2020.

Malheureusement, ces chiffres n’ont pas été atteints. Néanmoins, de nombreux enseignements, décrits plus
loin dans ce document, ont été retiré du plan 2011-2020. De plus, avec l’adoption du Plan régional de Mobilité 2020-2030 (GoodMove) et la mise en œuvre de sa première mesure forte, « la Ville 30 », le présent plan d’actions connait une réelle opportunité d’atteindre les objectifs qu’il se fixe et ne manque pas d’ambition. Enfin, ce plan est basé sur le principe de « Vision Zéro », c’est-à-dire
zéro mort et zéro blessé grave sur nos routes à l’horizon 2030. Pour ce faire, les objectifs décrits sont tous opérationnalisés et déclinés en « fiches actions », lesquelles sont regroupées dans la partie « annexes » de ce document.

2. Un parcours de co-construction

La définition du présent plan a été réalisée dans le cadre des États Généraux de la Sécurité routière 2020, lancés officiellement le 16 janvier 2020 par la Ministre de la Mobilité, des Travaux publics et de la Sécurité routière, Madame Elke Van den Brandt et par Monsieur Christophe Vanoerbeek, Directeur général de Bruxelles Mobilité.

Plus de 200 professionnels de la sécurité routière de notre Région ont été invités à travailler en sous-groupes, durant plusieurs journées, sur base de trois clusters qui regroupaient les actions liées à l’infrastructure, aux com portements, ainsi qu’à la gouvernance. La finalité de ces différents ateliers était de définir, ensemble, les objectifs (stratégiques) prioritaires, d’en identifier les ambitions, et enfin, de décrire des actions-clés par objectifs permettant d’atteindre les buts fixés.

D’autre part, un parcours citoyen appelé « L’Autre Atelier » a été mis en place et piloté par plusieurs acteurs du monde associatif (Bral, Heroes for Zero et Café Filtré/Filtercafé), le but n’étant de ne pas rédiger un plan d’actions en chambre, mais bien de faire remonter les préoccupations citoyennes depuis l’expérience d’usagers du quotidien.

Ce trajet complet s’est intéressé à ce qui se faisait dans d’autres grandes villes (benchmarking auprès de Paris, Oslo et Berlin) ; il s’est ensuite plongé dans la réalité de l’aménagement bruxellois lors des parcours «Boots on the ground» à Ganshoren, SaintGilles et Evere, a amené les citoyens à participer aux ateliers des « professionnels de la sécurité routière » énoncés plus haut, et enfin, à se pencher sur la manière dont pouvaient être proposées des solutions spatiales pour davantage de sécurité routière à Bruxelles.

Le parcours de « L’Autre Atelier » a donné lieu à un mémorandum avec 9 recommandations concrètes 2. Les outputs de ces deux parcours, « professionnel » et « citoyen », ont été évalués et ont nourris une première version du Plan d’actions régional de sécurité routière 2021-2030. Version qui a ensuite été soumise pour remarques à l’ensemble des organisations participant au processus, ainsi qu’aux membres de la Commission Régionale de Mobilité.

Les centaines de remarques reçues en retour ont toutes été analysées et ont nourri, le cas échéant, la version finale de ce plan qui a donc été co-construit, jusqu’aux aspects opérationnels, avec les différents partenaires impliqués. Il est évident que, même si aucun des partenaires n’est responsable de l’ensemble du résultat final, la contribution de chacun d’eux a permis la construction d’un plan plus solide.

1 Commission européenne, “Vers un espace européen de la sécurité routière : orientations politiques pour la sécurité routière de 2011 à 2020”, 20 juillet 2010, COM(2010) 389 final.
2 Disponible sur https://bral.brussels/fr/artikel/beyond-vision-zero

3. Vision/Objectif Zéro tué et blessé grave pour Bruxelles

En 2019, à l’occasion de la Déclaration de politique générale, le gouvernement bruxellois prend clairement position pour orienter la politique de sécurité routière vers la Vision Zéro. « Le gouvernement défend la « Vision Zéro » : : zéro tué et zéro blessé grave est en effet le seul objectif acceptable. (…) »

L’objectif zéro tué et blessé grave est coulé dans le Plan régional de Mobilité Good Move, approuvé définitivement par le gouvernement en mars 2021, et ses cartes le 15 juillet 2021. Cet objectif de zéro tué et blessé grave s’inscrit également dans l’ensemble des engagements internationaux comme la Déclaration de Stockholm du 20 février 2020 ainsi que dans les objectifs européens de réduction du nombre de victimes de la route à l’horizon 2030.

Des plans de sécurité routière dont le principe de base est la Vision Zéro, et qui ont en partie inspiré les mesures de ce plan d’actions sont déjà en œuvre à Oslo, Helsinki, ou sont en cours de réalisation comme à Londres. Et ces plans portent leurs fruits. La ville d’Oslo frôle actuellement de très près cet objectif de zéro tué et blessé grave et l’a déjà atteint une première fois en 2019. Cet objectif ne doit donc pas être considéré comme un slogan ou un idéal lointain : il est atteignable et réalisable.

Lors des consultations menées durant les travaux des ateliers des Etats Généraux de la Sécurité Routière en Région de Bruxelles-capitale (Ateliers Be.Smart), l’ensemble des partenaires, zones de police, communes, associations, collectifs de citoyens (notamment via les travaux de l’Autre Atelier organisé par les associations Heroes for Zero, Bral et Café Filtré), et administrations, ont réaffirmé l’absolue nécessité de poursuivre et d’atteindre cet objectif à l’horizon 2030.

La transposition du concept de Vision Zéro à l’objectif zéro tué et blessé grave à l’horizon 2030 dans les pratiques régionales consiste à construire et entretenir un système de transport et un espace public sûrs qui tiennent compte, d’une part, de la vulnérabilité de l’être humain, et d’autre part, des erreurs que ces êtres humains commettent inévitablement, en améliorant les connaissances, les aptitudes et les attitudes dans le trafic.

4. Les principes de base de l’objectif zéro tué et blessé grave en Région de Bruxelles-Capitale

  • Les décès sur la route ne sont pas une loi de la nature : nous pouvons les éviter ;
  • Le risque encouru par les usagers³
    doit être réduit au minimum ;
  • Le niveau de violence qui peut être supporté par le corps humain est le paramètre de base pour établir le risque acceptable ;
  • Les erreurs des usagers, peu importe leur responsabilité dans la collision, ne peuvent pas être sanctionnées par un décès ou des blessures graves ;
  • Les erreurs des usagers doivent être prises en compte dans le système, que ce soit des erreurs liées aux attitudes, au manque de connaissances du Code de la route, à l’aptitude ou encore à des actes volontaires ;
  • L’espace public est à la fois le théâtre de la vie locale et économique et le support du système de transport. Il doit permettre aux trois fonctions de
    cohabiter harmonieusement, conformément au plan Régional de Développement Durable approuvé par le gouvernement en 2018 ;
  • La sécurité routière est une responsabilité partagée. Plus l’impact de nos décisions sur la sécurité des autres est important, plus notre responsabilité est grande. Cela vaut pour le simple citoyen, mais tout autant pour les législateurs, les dirigeants politiques, la police, les tribunaux, les concepteurs de routes, les constructeurs automobiles, etc.
  • La sécurité routière est un bien commun auquel l’ensemble des participants au système de transport et à la vie locale peuvent/doivent contribuer, chacun à son propre niveau de responsabilité et dans la limite de ses capacités.
³ Le terme « usager » fait référence à l’ensemble des modes de déplacement et il inclut les personnes à mobilité réduite.

5. Une responsabilité partagée, mais différente, entre les usagers

Le risque n’est pas réparti actuellement de manière équitable. Il n’est pas socialement acceptable que les usagers les plus vulnérables, qui occasionnent le moins de blessures à autrui, soient plus exposés aux accidents graves que ceux qui sont à l’origine de la majorité des blessures, et ce indépendamment de la notion de la responsabilité des parties dans l’accident. Si tous les usagers commettent des erreurs en se déplaçant, elles n’ont pas toutes les mêmes conséquences en termes de gravité ou de risque pour autrui.

Cette notion de responsabilité du plus “fort” envers le plus faible est intégrée dans le Code de la route depuis 2004, article 7.1 : Sans préjudice du respect des dispositions du présent règlement, le conducteur ne peut mettre en danger les usagers plus vulnérables, tels notamment les cyclistes et les piétons, en particulier lorsqu’il s’agit d’enfants, de personnes âgées et de personnes handicapées. Il en résulte que, sans préjudice des articles 40.2 et 40ter, 2e alinéa, tout conducteur de véhicule est tenu de redoubler de prudence, en présence de tels usagers plus vulnérables, ou sur la voie publique où leur présence est prévisible, en particulier sur une voie publique telle que définie à l’article 2.38.

Types d’accidents avec victimes tuées sur les routes de la Région de Bruxelles-Capitale en 2015-2019

Note : l’opposant d’une personne tuée est défini comme autre participant dans les accidents impliquant deux participants. Ce tableau n’indique pas quelle partie a causé l’accident.
(Source : Police fédérale – Direction de l’information policière et ICT – Service Politique et Gestion (BIPOL)

Si on place le piéton en victime, le nombre d’accident avec : Un piétons est de 0; Un vélo est de 0; Une moto est de 2; Une voiture est de 26; Une camionette est de 1; Un camion est de 5; Un bus est de 5; Un tram est de 2; Autre est de 1; Sans opposant est de 0; Plus d’un opposant est de 7.

Si on place le vélo en victime, le nombre d’accident avec : Un piétons est de 0; Un vélo est de 0; Une moto est de 0; Une voiture est de 4; Une camionette est de 0; Un camion est de 2; Un bus est de 0; Un tram est de 0; Autre est de 0; Sans opposant est de 1; Plus d’un opposant est de 0.

Si on place la moto en victime, le nombre d’accident avec : Un piétons est de 1; Un vélo est de 0; Une moto est de 0; Une voiture est de 11; Une camionette est de 1; Un camion est de 1; Un bus est de 0; Un tram est de 0; Autre est de 1; Sans opposant est de 5; Plus d’un opposant est de 1.

Si on place la voiture en victime, le nombre d’accident avec : Un piétons est de 1; Un vélo est de 0; Une moto est de 0; Une voiture est de 5; Une camionette est de 2; Un camion est de 2; Un bus est de 0; Un tram est de 0; Autre est de 0; Sans opposant est de 13; Plus d’un opposant est de 3.

Si on place la camionette en victime, le nombre d’accident avec : Un piétons est de 0; Un vélo est de 0; Une moto est de 0; Une voiture est de 0; Une camionette est de 0; Un camion est de 1; Un bus est de 0; Un tram est de 0; Autre est de 0; Sans opposant est de 1; Plus d’un opposant est de 0.

Si on place le camion en victime, le nombre d’accident avec : Un piétons est de 0; Un vélo est de 0; Une moto est de 0; Une voiture est de 0; Une camionette est de 0; Un camion est de 0; Un bus est de 0; Un tram est de 0; Autre est de 0; Sans opposant est de 0; Plus d’un opposant est de 0.

Si on place le bus en victime, le nombre d’accident avec : Un piétons est de 0; Un vélo est de 0; Une moto est de 0; Une voiture est de 1; Une camionette est de 0; Un camion est de 0; Un bus est de 0; Un tram est de 0; Autre est de 0; Sans opposant est de 0; Plus d’un opposant est de 0.

Si on place le tram en victime, le nombre d’accident avec : Un piétons est de 0; Un vélo est de 0; Une moto est de 0; Une voiture est de 0; Une camionette est de 0; Un camion est de 0; Un bus est de 0; Un tram est de 0; Autre est de 0; Sans opposant est de 1; Plus d’un opposant est de 0.

Si on place le tram en victime, le nombre d’accident avec : Un piétons est de 0; Un vélo est de 0; Une moto est de 0; Une voiture est de 0; Une camionette est de 0; Un camion est de 0; Un bus est de 0; Un tram est de 0; Autre est de 0; Sans opposant est de 1; Plus d’un opposant est de 0.

Des statistiques d’accidents de roulage, on peut identifier les différentes parties impliquées dans un accident grave en Région de Bruxelles-Capitale (2015 2019) et établir leur statut soit de victime, soit d’opposant. Les dénominations “victimes” versus “opposants” ne donnent pas d’information sur la responsabilité des parties impliquées dans la collision. On peut ainsi observer que la grande majorité des accidents graves impliquent au moins un conducteur de voiture. Les poids lourds sont également fortement concernées. Les actions visant tant le comportement (sensibilisation et contrôle) de ces usagers que l’amélioration de l’infrastructure mise à disposition en intégrant le risque causé par la mise en circulation de ces véhicules, auront un impact sur l’ensemble des usagers.

Les chiffres bruxellois qui servent à cette analyse sont limités, en termes absolus. Néanmoins, ils confirment les tendances soulignées par la Commission européenne dans une étude portant sur l’année 2019, et qui concerne tous les pays européens confondus : les principales causes de décès sur la route impliquent des voitures comme opposant (ou des automobilistes sans opposant) 4.

4 Commission Européenne, “Road safety: European Commission rewards effective initiatives and publishes 2020 figures on road fatalities”, 18/11/2021.
https://transport.ec.europa.eu/news/road-safety-european-commission-rewardseffective-initiatives-and-publishes-2020-figures-road-2021-11-18_en

6. La Ville 30, première action fondamentale vers l’objectif  zéro tué et blessé grave

Le gouvernement bruxellois, en approuvant l’entrée en vigueur de la Ville 30 au 1er janvier 2021, a mis en place la première des conditions de réalisation de cet objectif. Comme prévu dès le départ du projet, le déploiement complet de cette mesure sera poursuivi tant dans le cadre de Good Move (Plan régional de Mobilité) que de ce nouveau Plan d’Actions régional de Sécurité routière.

Le niveau de violence qui peut être supporté par le corps humain est le paramètre de base pour établir le risque acceptable Tous les usagers ne sont pas égaux face aux chocs. Le niveau de violence acceptable par le corps humain dépend de plusieurs facteurs, la vulnérabilité propre à l’être humain (âge, taille, état de santé …) et celle liée à son mode de déplacement (présence ou pas de carrosserie, etc.).

La violence du choc en cas d’accident ou l’énergie libérée (E) dépend très fortement de la vitesse (v) au moment de l’impact et de la masse des usagers (m), dont celle de la masse des véhicules en présence, selon la formule E = m.v2/2

Agir sur ce niveau de violence passe donc obligatoirement en partie par la modération des vitesses pratiquées. Enfin, la diminution de vitesse à 30km/h permet d’atteindre pour les usagers plus vulnérables, le risque auquel étaient exposés les usagers les moins vulnérables jusque-là.

Si les premiers retours établis pour la Région de Bruxelles-Capitale en mars 2021 semblaient encourageant pour la sécurité routière, il faut rester prudent particulièrement dans le contexte sanitaire de 2021. Un monitoring très régulier, tous les 3 mois, de l’évolution des statistiques d’accidents est mené et l’évolution des vitesses pratiquées est mesurée chaque année.

7. Le cadre de Good Move

La sécurité routière a pris une place importante dans l’élaboration du Plan régional de Mobilité “Good Move”. Le présent plan d’actions qui se focalise sur les actions à haut potentiel de réduction du nombre de victimes, s’ancre donc sur une série de décisions en termes de choix de mobilité pour le futur. Ainsi la City Vision, à la base du plan Good Move, intègre la notion de la sécurité routière via la dimension “SAFE, Assurer des formes de mobilité sûres et sécurisantes”.

Outre les objectifs généraux de Good Move, qui comprennent la création de quartiers à apaisés (faible trafic) et un transfert modal de l’usage individuel de véhicule motorisé vers les déplacements partagés ou actifs, le Plan régional de Mobilité (Good Move) contient les objectifs suivants, spécifiques à la sécurité routière 5 :

  • Réaffirmer l’enjeu régional de sécurité routière et inscrire la Région dans la Vision Zéro (zéro tué et
    zéro blessé grave à l’horizon 2030) ;
  • Diminuer fortement le nombre de tués et de blessés sur les voiries de la Région conformément au Plan d’Actions régional de Sécurité routière ;
  • Faire baisser les vitesses de circulation moyennes sur l’ensemble des voiries, tous réseaux confondus, par le contrôle-sanction, l’infrastructure et la sensibilisation ;
  • Poursuivre la sécurisation des infrastructures existantes et concevoir les nouveaux aménagements en intégrant la sécurité de tous les usagers ;
  • Faire évoluer les comportements des usagers, identifier et communiquer sur les comportements dangereux et mettre en exergue les comportements prudents ;
  • Infléchir la tendance à acquérir des véhicules plus grands et plus larges ;

Cette vision a été déclinée de manière transversale entre les 6 programmes d’actions développés dans le plan mise en œuvre de quartiers calmes et apaisés (mise en œuvre des mailles), auront et ont déjà un impact sur la sécurité routière sans la mise en œuvre de mesures spécifiques issues d’une politique de sécurité routière au sens strict. De même, la diminution globale des kilomètres parcourus projetée dans Good Move (- 4% globalement et -34% sur les axes locaux) à l’horizon 2030, participe également à cette amélioration de la sécurité routière. Ces actions sont déjà en cours de réalisation au moment de la rédaction du présent plan d’actions. Il y a donc lieu de capitaliser les efforts déjà réalisés et de faciliter, voire accélérer, leur mise en œuvre au travers des actions décrites dans les pages suivantes.

Les Challenges

Les leçons du précédent plan d’actions pour la sécurité routière (2011-2020) de la Région de Bruxelles-Capitale :

En 2011, le Gouvernement de la Région de BruxellesCapitale a approuvé le précédent Plan d’Actions régional pour la Sécurité routière. Il inclut le principe de la «Vision Zéro» et fixe comme principal objectif de « réduire de 50 % le nombre de décès (30 jours) et de blessures graves d’ici 2020.

Cela correspond à un maximum de 12 décès 30 jours et 68 blessures graves »6. Pendant la période de sa mise en œuvre, le nombre de décès et de blessures graves a diminué (voir page suivante), mais l’objectif n’a pas été atteint. Nous en tirons quelques leçons.

Mener une politique de sécurité routière demande des budgets spécifiques.

À l’origine du précédent plan, aucun budget n’était spécifiquement alloué à la politique de sécurité routière. Cela n’a été le cas qu’à partir de 2014 lorsque cette compétence a été régionalisée et qu’un Fonds de sécurité routière régional bruxellois a été créé. Une redistribution de ce Fonds aux partenaires (communes, zones de police, associations) permet de multiplier les actions visant à améliorer la sécurité routière.

Les ressources humaines des pilotes et partenaires des actions doivent être à la hauteur des ambitions.

Quelques années après l’entrée en vigueur du précédent plan, la sixième réforme de l’Etat (article 25 de la Loi spéciale relative à la Sixième Réforme de l’Etat, du 6 janvier 2014) a attribué aux Régions des compétences supplémentaires liées à la sécurité routière. Les besoins en personnel, dans ce cadre, n’ont pas toujours été rencontrés. Les challenges

Les actions doivent être opérationnalisées, avec la définition de pilotes, partenaires et moyens budgétaires ; elles doivent intégrer un processus d’évaluation et être dotées d’indicateurs. Afin de permettre un suivi régulier du plan d’actions, des indicateurs doivent être choisis : indicateurs de réalisation pour le suivi de la mise en œuvre des actions et indicateurs d’impact pour le suivi de l’efficacité des actions sur les données d’accidents.

Les actions doivent être priorisées selon leur impact sur l’objectif zéro tué et blessé grave.

Afin d’atteindre une réelle inflexion à la baisse de la courbe annuelle des accidents, il est nécessaire, durant les premières années de la mise en œuvre de ce plan de mettre l’accent sur les actions les plus impactantes quant à la diminution du nombre de victimes et d’accidents.

6 Plan d’action régional Sécurité Routière de la Région de Bruxelles Capitale, 2011, p.9.

L’état des lieux de la sécurité routière en RBC

En 2019, la Région a malheureusement eu à déplorer 19 tués (30 jours) et 176 blessés graves, contre 159 blessés graves et 15 tués (30 jours) en 2020 7. Cette diminution doit évidemment tenir compte du contexte particulier lié à la crise du Covid-19, mais doit également être perçu comme le résultat des politiques menées en matière d’infrastructures sûres, de contrôles sanctions, et de sensibilisation et d’éducation à la sécurité routière dans notre Région. Ces chiffres englobent des réalités différentes : la répartition entre victimes est différente selon la gravité de la collision. Ainsi, les occupants de voitures représentent le plus grand nombre de victimes, toutes gravités confondues, suivis par les piétons, les usagers de deux-roues motorisés, et enfin les cyclistes. Par contre, le classement est différent si l’on se focalise sur les victimes tuées ou gravement blessées. Dans ce cas, ce sont les piétons qui sont les premières victimes, suivis des occupants de voitures, des conducteurs de deux-roues motorisés et enfin des cyclistes.

7 Sources : Police Fédérale/DGR/DRI/BIPOL. Analyse : Bruxelles Mobilité

Les Objectifs 2030

1. Réduire le nombre et la gravité des collisions impliquant des piétons

De 2017 à 2019, 240 piétons ont été tués ou gravement blessés sur le territoire régional et 3018 ont été légèrement blessés 8. Les piétons sont les premières victimes tuées et blessées graves en valeur absolue. La gravité des collisions (rapport entre le nombre d’accidents graves et le nombre total d’accidents) impliquant des piétons reste donc élevée même si celle-ci tend à régresser ces dernières années. La masse de l’opposant et sa vitesse au moment de l’impact sont déterminantes pour la
gravité des accidents impliquant des piétons. Ces collisions ont forcément, dans la majorité des cas, lieu lors d’une traversée.

Evolution du nombre de victimes piétons, blessés grave et tués 30 jours  (RBC 2011-2020)

Sources: Police Fédérale/DGR/DRI/BIPOL. Analyse: Bruxelles Mobilité

En 2011 : 99 bléssés graves / 9 morts

En 2012 : 83 bléssés graves / 15 morts

En 2013 : 75 bléssés graves / 12 morts

En 2014 : 70 bléssés graves / 11 morts

En 2015 : 79 bléssés graves / 14 morts

En 2016 : 67 bléssés graves / 9 morts

En 2017 : 81 bléssés graves / 9 morts

En 2018 : 67 bléssés graves / 7 morts

En 2019 : 69 bléssés graves / 7 morts

En 2020 : 54 bléssés graves / 5 morts

 

8 Définitions : Tué 30 jours: Toute personne décédée sur place ou endéans les 30 jours suivant la date de l’accident. Blessé grave : toute personne blessée dans un accident de la circulation et dont l’état nécessite une hospitalisation de plus de 24 heures. Blessé léger : toute personne blessée dans un accident de la circulation et à laquelle ne s’appliquent pas les qualificatifs de blessé grave ou de blessé mortellement.

2. Infléchir l’augmentation du nombre de collisions impliquant des cyclistes

Si l’augmentation du nombre de cyclistes est continue depuis plusieurs années déjà, la crise sanitaire récente a très largement renforcé l’attractivité des déplacements
à vélo au sein de la Région. Or, on sait qu’en l’absence de mesures adéquates, toute augmentation en nombre d’usagers, en l’occurrence ici des cyclistes, peut se traduire assez inévitablement par une augmentation du nombre d’accidents les impliquant.

Les statistiques d’accidents cyclistes, particulièrement les collisions aux conséquences légères, sont biaisées par un sous-enregistrement chronique, ce qui entraine une sous-estimation du nombre de victimes.

Les collisions impliquant des cyclistes en carrefour, sur les années 2017-2019, ont totalisé 46 tués et blessés graves dont 16 dans des carrefours gérés par feux. Sur
cette même période, les collisions en section de voirie ont généré 44 tués et blessés graves parmi les cyclistes.

Vu la forte augmentation du nombre de cyclistes, il est intéressant de comparer l’évolution du rapport entre le nombre d’accidents de cyclistes seuls par rapport au nombre d’accidents avec opposant :

# cyclistes blessés avec/sans opposant

Sources: Police Fédérale/DGR/DRI/BIPOL. Analyse: Bruxelles Mobilité

En 2011 : 408 avec opposant / 55 sans opposant

En 2012 : 395 avec opposant / 58 sans opposant

En 2013 : 424 avec opposant / 56 sans opposant

En 2014 : 463 avec opposant / 52 sans opposant

En 2015 : 543 avec opposant / 53 sans opposant

En 2016 : 639 avec opposant / 79 sans opposant

En 2017 : 641 avec opposant / 85 sans opposant

En 2018 : 728 avec opposant / 101 sans opposant

En 2019 : 826 avec opposant / 122 sans opposant

En 2020 : 837 avec opposant / 160 sans opposant

 

En 2019 et 2020, on constate que les accidents cyclistes avec blessures corporelles impliquant un opposant tendent à stagner alors que le nombre de ces accidents sans opposant poursuit sa progression.

Ratio du nombre de cyclistes blessés avec / sans opposant (%)

Sources: Police Fédérale/DGR/DRI/BIPOL. Analyse: Bruxelles Mobilité

En 2011 : 13.5%

En 2012 : 14.7%

En 2013 : 13.2%

En 2014 : 11.2%

En 2015 : 9.8%

En 2016 : 12.4%

En 2017 : 13.3%

En 2018 : 13.9%

En 2019 : 14.8%

En 2020 : 19.1%

Les accidents de cyclistes seuls avec blessures corporelles représentaient 15% du nombre d’accidents en 2019, contre presque 20% en 2021. Toutefois, cette augmentation relative ne doit pas faire perdre de vue que plus de 80% des accidents cyclistes avec dégâts corporels impliquaient un autre usager de la route. Tout comme le sont les piétons, les usagers de trottinettes et les cyclistes, les utilisateurs de deux-roues motorisés sont des usagers dits vulnérables au sens de la sécurité routière. Du moins, par rapport aux conducteurs de véhicules plus lourds (voiture, camionnette, camion, etc.). Ils ne possèdent en effet pas de protection
extérieure. Cette vulnérabilité, comme pour les autres usagers vulnérables, s’observe dans les statistiques. Ainsi, le taux de gravité des collisions les impliquant est élevé ; en 2019, il était de 5,7%.

On observe également depuis 2011, même si on reste face à des chiffres relativement bas, une augmentation lente et continue du nombre de décès. Ces usagers sont très sensibles à la vitesse au moment de l’impact ainsi qu’à l’état de la chaussée. Ils sont également sujets à des masques de visibilité qu’ils soient fixes ou mobiles.

Evolution du nombre de victimes usagers de deux-roues motorisés blessés graves et tués 30 jours (RBC 2011-2020)

Sources: Police Fédérale/DGR/DRI/BIPOL. Analyse: Bruxelles Mobilité

En 2011 : 39 avec opposant / 2 sans opposant

En 2012 : 46 avec opposant / 3 sans opposant

En 2013 : 30 avec opposant / 3 sans opposant

En 2014 : 42 avec opposant / 2 sans opposant

En 2015 : 33 avec opposant / 3 sans opposant

En 2016 : 29 avec opposant / 4 sans opposant

En 2017 : 45 avec opposant / 4 sans opposant

En 2018 : 46 avec opposant / 5 sans opposant

En 2019 : 32 avec opposant / 4 sans opposant

En 2020 : 26 avec opposant / 4 sans opposant

 

3. Agir sur le nombre et la gravité des collisions impliquant des conducteurs de véhicules lourds

Face aux véhicules lourds, tous les autres usagers sont forcément plus vulnérables et dès lors les conséquences de ces collisions sont quasiment toujours graves pour les personnes impliquées. De 2011 à 2020, les collisions impliquant des poids lourds sont à l’origine de 95 victimes graves.

Collisions impliquant des poids lourds à l’origine de victimes graves (RBC 2011-2020)

Sources: Police Fédérale/DGR/DRI/BIPOL. Analyse: Bruxelles Mobilité

Piéton contre chauffeur de poids lourds : 44

Cycliste contre chauffeur de poids lourds : 16

Cyclomotoristes/motards contre chauffeur de poids lourds : 8

Conducteur de voiture contre chauffeur de poids lourds : 27

4. Réduire et maîtriser les vitesses pratiquées, cause et facteur aggravants des collisions

Nous avons vu plus haut que les vitesses non règlementaires ou inadaptées sont une cause et un facteur aggravants des collisions. En Région de Bruxelles-Capitale, sur base du Power Model (modèle liant vitesse et gravité développé par Nilson et Elvik), une diminution de 5km/h des vitesses pratiquées permettrait déjà de réduire fortement le nombre de tués et blessés graves. Tous modes confondus, ce potentiel, identifié sur base des données 2019 en Région de Bruxelles-Capitale, est de :

  • Environ 47 tués et blessés graves en moins par an ;
  • Environ 615 victimes en moins par an.

5. Réduire le nombre de collisions n’impliquant qu’un seul usager, sans opposant

Les collisions n’impliquant qu’un seul usager, donc sans opposant externe, concernent essentiellement les conducteurs/passagers de voiture, les conducteurs de deux-roues motorisés et les cyclistes. Les accidents de piétons seuls ne sont pas à ce jour considérés comme des accidents de roulage, vu qu’ils n’impliquent pas de véhicule. Le terme d’opposant fait référence à l’autre partie dans une collision, sans qu’intervienne ici aucune notion de responsabilité.

Les chiffres présentés recouvrent les années 2011 à 2020.

Le nombre de collisions n’impliquant qu’un seul usager, sans opposant, à l’origine de victimes graves (RBC 2011-2020)

Cyclistes seuls : 67

Cycliste ou motards seuls : 85

Conducteurs et passagers de voiture seuls : 129

Autres seuls : 28

6. Gérer de manière continue la sécurité des infrastructures routières, par l’identification et le traitement des zones à concentration d’accidents (ZACA)

Les zones à concentration d’accidents, identifiées dans l’étude éponyme de 2014 sur base des données d’accidentologie de 2010 à 2013 (inclus), ont été le lieu de
collisions qui ont causé en moyenne 37 tués et blessés graves par an. Une telle identification d’endroits précis concentrant des collisions permet d’orienter et de prioriser les lieux où l’infrastructure existante est très probablement défaillante et peut être améliorée.

Cette gestion continue permet de concentrer tant les moyens budgétaires que les ressources humaines très limitées sur des lieux à sécuriser prioritairement, avec un impact direct sur la sécurité globale de l’espace public et du réseau de transport.

7. Monitorer l’évolution du nombre de déplacements effectués par les utilisateurs de nouveaux engins de déplacement et l’accidentologie liée

Marginal il y a encore quelques années de cela, l’usage des nouveaux engins de déplacement s’est développé rapidement dans la Région. Le suivi de l’accidentologie
n’en est encore qu’à ses balbutiements et tant un mauvais enregistrement qu’un sous-enregistrement des collisions sont certainement encore à déplorer. Les engins
ne sont en effet pas toujours bien identifiés dans les procès-verbaux d’accidents. Les collisions bénignes ne sont, de plus, pas toujours enregistrées par la police.

8. Lutter contre les stéréotypes liés à la conduite sportive et les stéréotypes de genre

La pratique des rodéos urbains en est certainement l’exemple le plus frappant : les mythes associés à la maitrise automobile et à la conduite sportive d’autres véhicules restent vivaces en 2021.

Les statistiques d’accidents montrent également que, pour toutes les catégories d’accidents, les hommes sont davantage représentés en termes de victimes, sauf en ce qui concerne les déplacements piétons.

Répartition genrée des victimes d’accidents de la route (RBC 2011-2020)

Sources: Police Fédérale/DGR/DRI/BIPOL. Analyse: Bruxelles Mobilité

Piétons :

5094 victimes masculines

5379 victimes féminines

227 inconnus

Cyclistes :

4704 victimes masculines

1850 victimes féminines

111 inconnus

Motocyclistes :

6213 victimes masculines

772 victimes féminines

143 inconnus

Automobilistes :

8706 victimes masculines

7536 victimes féminines

285 inconnus

Autres :

1472 victimes masculines

1189 victimes féminines

67 inconnus

Plusieurs hypothèses, notamment des usages de mobilité différents entre hommes et femmes (moindre utilisation de certains modes par les femmes, comme le vélo) peuvent expliquer ce phénomène. Une différence dans le sentiment d’(in)sécurité, l’intimidation dans les rues et la discrimination peuvent jouer un rôle.

Toutefois, ce sont surtout des explications culturelles qui sont pointées par les chercheurs 9:

les garçons et les jeunes hommes étant, encore actuellement, éduqués à prendre plus de risques que les filles et les femmes. L’Autorité peut agir notamment via des actions de sensibilisation en invitant tous les usagers à relativiser leurs habiletés dans la circulation et la protection apportée par le respect de la règle.

Concrètement, il s’agit d’apprendre que ce n’est pas parce qu’on conduit bien, qu’on a de l’expérience à moto, à vélo, qu’on pourra éviter toutes les situations à risques ou encore que ce n’est pas parce que les piétons traversent au passage pour piétons qu’ils éviteront tous les dangers.

Enfin, il conviendra d’être attentif à l’augmentation de la prise de risques chez les femmes. Tant que la vitesse et la maitrise du véhicule seront associées à la performance, et/ou à la réussite, les femmes qui souhaitent accéder à cette forme de promotion sociale, auront aussi tendance à augmenter leur prise de risques.

La pratique des rodéos urbains en est certainement l’exemple le plus frappant : les mythes associés à la maitrise automobile et à la conduite sportive d’autres véhicules restent vivaces en 2021.

Les statistiques d’accidents montrent également que, pour toutes les catégories d’accidents, les hommes sont davantage représentés en termes de victimes, sauf en ce qui concerne les déplacements piétons.

Plusieurs hypothèses, notamment des usages de mobilité différents entre hommes et femmes (moindre utilisation de certains modes par les femmes, comme le vélo) peuvent expliquer ce phénomène. Une différence dans le sentiment d’(in)sécurité, l’intimidation dans les rues et la discrimination peuvent jouer un rôle.
Toutefois, ce sont surtout des explications culturelles qui sont pointées par les chercheurs 9:

les garçons et les jeunes hommes étant, encore actuellement, éduqués à prendre plus de risques que les filles et les femmes. L’Autorité peut agir notamment via des actions de sensibilisation en invitant tous les usagers à relativiser leurs habiletés dans la circulation et la protection apportée par le respect de la règle.

Concrètement, il s’agit d’apprendre que ce n’est pas parce qu’on conduit bien, qu’on a de l’expérience à moto, à vélo, qu’on pourra éviter toutes les situations à risques ou encore que ce n’est pas parce que les piétons traversent au passage pour piétons qu’ils éviteront tous les dangers.

Enfin, il conviendra d’être attentif à l’augmentation de la prise de risques chez les femmes. Tant que la vitesse et la maitrise du véhicule seront associées à la performance, et/ou à la réussite, les femmes qui souhaitent accéder à cette forme de promotion sociale, auront aussi tendance à augmenter leur prise de risques.

9 Varet, F., et al. (2018). Comportements dans l’espace routier : le rôle des attentes sociales. Le Journal Des Psychologues, 8(360), https://doi.org/10.3917/jdp.360.0024

9. Apaiser les relations entre usagers dans le trafic

Une notion importante en sécurité routière est l’insécurité subjective, c’est à dire l’insécurité ressentie par les différents usagers indépendamment de la réalité des données d’accidentologie. L’agressivité ressentie ou réelle entre les usagers nourrit ce sentiment d’insécurité qui peut entrainer un moindre recours à certains modes de déplacements ou des mises en situation dangereuses engendrées par le stress. L’Institut Vias pointait déjà en 2019 que les comportements inciviques comme le fait
d’injurier les autres usagers, de klaxonner de manière intempestive, de coller délibérément les autres véhicules,
étaient en augmentation en Belgique.

Résultat : 83 % des conducteurs belges ont peur du comportement agressif des autres usagers.

Depuis quelques années, une polarisation croissante est perceptible tant dans le débat public sur la mobilité que dans la pratique, dans la rue. Un transfert modal accéléré et très visible, combiné à la Ville 30, semble susciter de vives protestations de la part de certains, automobilistes en particulier. D’autre part, l’abaissement de la limite de vitesse dans la Région réduit les différences de vitesse entre les différents usagers de la route et facilite ainsi la prise en compte des uns et des autres. Toutefois, cette dimension sera à mesurer plus finement.

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